Pourquoi les startups bio-pharmaceutiques sont-elles en situation de servage ?
Serfs au profit de qui ? De l’industrie pharmaceutique, bien sûr.
Pourquoi une startup bio-pharmaceutique ne pourrait-elle pas devenir une big pharma ?
Alors que dans toutes les autres industries, y compris les plus anciennes et celles qui nécessitent d’énormes capitaux d’amorçage telles que l’automobile, l’aérospatiale, l'aéronautique ...on voit de nouveaux entrants, des startups, qui émergent en quelques années et qui deviennent des leaders.
Il y a deux raisons à cela :
1) L'Evidence-based Medicine, ce boulet à votre cheville !
Une startup bio-pharmaceutique doit obligatoirement passer par les essais précliniques et cliniques pour pouvoir commercialiser son médicament ou traitement. L’objectif de ces essais est de prouver scientifiquement la valeur d’un nouveau médicament ou traitement. On appelle cela l’Evidence-based Medicine (EbM), médecine basée sur les faits. Wouah, qui peut être contre ?! Ça a l’air quand même super rigoureux et solide !
Sauf que cette approche est loin d’être aussi rigoureuse et solide dans la pratique. Je ne vais pas revenir sur ce point, les débats existent et sont vifs au sein de la communauté scientifique. J’invite les personnes intéressées à jeter un œil dans la fiche Wikipédia de l’EbM dans la section critique.
Mais surtout, cette approche est extrêmement coûteuse et longue. Il faudra débourser des centaines de millions d'euros et consacrer des dizaines d'années pour franchir toutes les étapes depuis les essais précliniques jusqu’à la phase III des essais cliniques pour enfin espérer faire profiter vos innovations aux patients.
Évidemment, aucune startup n’a les moyens.
Là entre en jeu des VCs spécialisés qui vont investir un énorme chèque dans la startup. Cela entraîne de très fortes dilutions des actionnaires fondateurs et les dépossède de la propriété et du contrôle de leur entreprise.
Puis, une fois la biotechnologie ou la molécule pharmaceutique a atteint la phase III, une big pharma n’a plus qu’à cueillir le fruit mûr en rachetant aux VC actionnaires majoritaires (et aux actionnaires fondateurs minoritaires) la startup et sa propriété industrielle.
Il faut savoir que l’EbM n’a pas été historiquement inventée et implémentée par les chercheurs et médecins universitaires, mais imposée par l’industrie pharmaceutique !
On ne peut bien sûr - légalement - passer outre les essais cliniques. Et moi-même, le capitaliste-révolutionnaire, je ne voudrais pas d’un médicament ou d’un traitement qui n’a pas été solidement testé et validé.
Il existe néanmoins des stratégies et tactiques qui permettent de contourner les sacro-saints essais cliniques tout en permettant aux nouveaux médicaments ou traitements d’être solidement testé et validé. Etant donné que chaque startup bio-pharma est une entité singulière, on ne peut pas ici indiquer une solution générale à appliquer pour toute. Ces stratégies et tactiques de contournement se décident dans le secret, avec une équipe ayant le mindset d’un gang de braqueurs professionnels de banque.
2) La Fabrication et Distribution ? Laissez tomber, vous êtes trop bête pour gérer ça. Laissez faire les Grands !
On dit aux fondateurs de startups bio-pharmaceutiques que la fabrication des médicaments incluant leur packaging (galénique, conditionnement, emballage) doit se faire dans les règles de l’art (GMP - Good Manufacturing Practices) et que leur distribution (dans les points de vente: pharmacies d’officine, hôpitaux, cliniques, supermarchés ...) nécessite d’ENORMES infrastructures et de capacités commerciales (marketing, communication, forces de ventes ...) que seules les Big Pharmas ont. D'où l'absolu nécessité d’établir des partenariats avec les Big Pharmas.
C’est évidemment faux. C'est un conte de fées qu'on raconte aux fondateurs pour les endormir... tout comme la Belle au bois dormant qui attend son prince charmant "VC/Big-Pharma".
Il suffit de voir l’émergence des FoodTech DNVB* qui n’ayant pas l’obligation de monter à bord du train de l’Evidence-based Medicine, arrivent à fabriquer des produits alimentaires (que l’on mange … tient on mange aussi les médicaments par voie oral !), à les packager et à les distribuer partout dans le monde ! Ces DNVB ont des VC à bord (avec d’impressionnantes levées de fonds) mais qui diluent raisonnablement les fondateurs, ainsi ils restent propriétaires et dirigeants de leur boite.
Et ces DNVB peuvent aussi avoir des partenaires, des géants de l'industrie agroalimentaire, pour la fabrication et la distribution, mais ce sont de vrais partenaires et non des spoliateurs !
*DNVB = Digitally Native Vertical Brand.
Les DNVB sont des entreprises (startups) BtoC voire DtoC (Direct to Consumer) qui commercialisent une nouvelle marque en maitrisant toute la chaine de valeur depuis la fabrication jusqu'à la distribution directement aux consommateurs. Tout le processus bénéficie d'une grande digitalisation. Il existe des entreprises DNVB dans presque tous les types de produits physiques (aliments, boissons, cosmétiques, textiles, meubles de maison...).
Exemple de l'entreprise Feed, fondée par Anthony Bourbon, juriste de formation qui a révolutionné le marché des barres de céréales tenu par l'entre soi des géants de l’agro-alimentaire :
Est-ce que les startups bio-pharmaceutiques peuvent renverser la table ?
Le premier frein vient des fondateurs de startups bio-pharmas eux-mêmes. En faisant un peu de psychologie de comptoir, on constate que ces fondateurs, souvent des scientifiques universitaires, ont été déformés par leur longue formation initiale. Ils sont idéalistes, dévoués à la cause, ils ne voient que le problème qu’ils veulent résoudre et à ce titre acceptent docielement d’être mis en servage - parce que c’est la règle du jeu et qu’ils sont des gens bien élevés, des gens qui respectent les règles et les procédures - si au final, un jour, les patients peuvent bénéficier de leur traitement. Et ils se contenteront d’un peu de prestige en contrepartie de leur dévouement, avec une médaille en chocolat d’un ministre par ci, et d’un article élogieux dans la presse nationale ou internationale par là.
Le deuxième frein ? Eh ben, il n’y en a pas.
La révolution doit donc commencer dans le psyché des fondateurs de startups bio-pharma, mais aussi des dirigeants et chercheurs des universités et institutions de recherche. Ces acteurs doivent se révolter et ne plus accepter ce statu quo et chercher par tous les moyens à contourner la sacro-sainte ligne droite du développement biopharmaceutique ! Surtout qu’aujourd’hui, ils ont enfin les armes pour le faire.
Depuis l’invention et la diffusion planétaire de l’internet, et de la démocratisation de son accès par les ordinateurs personnels, les smartphones et tablettes connectés, toute entreprise émergente, quel que soit le secteur, peut s'adresser directement aux end-users.
Par s’adresser directement aux end-users, je veux dire tout ce qui concerne l’entreprise émergente. On peut discuter avec les end-users, on peut vendre aux end-users, on peut leur demander de se joindre à vous pour défendre la cause de votre entreprise, on peut leur demander de financer un projet ... bref, tout. Il suffit de parler à leur cœur (certes, cela nécessite un certain talent et du savoir-faire).
Cela permet à minima d’avoir un pouvoir de négociation plus fort vis à vis des VCs et des Big Pharmas, et à maxima, de maîtriser de bout en bout, toute la chaîne de valeur du développement et de la commercialisation de nouveaux médicaments, traitements, et même des technologies médicales, et le tout en toute indépendance.
Les DNVB nous ont montré que c’était possible ... de braquer la banque ! Nous avons aujourd'hui, le mode d'emploi.
Crowdfunding for Deep Tech Startups
https://www.episteme-entrepreneur.com/blog/crowdfunding-for-deep-tech-startups
Deep Tech et Branding : Personal Branding du CEO et/ou Branding de l'entreprise
E² - Épistémê Entrepreneur: https://www.episteme-entrepreneur.com/
Dr. Ari Massoudi: https://www.linkedin.com/in/arimassoudi/