ITW Dr. Philippe Méda, Innovation Strategist, Senior Partner - Innovation Copilots
Dans cet épisode d'Epistémê Entrepreneur, j’ai le grand plaisir d'accueillir Dr. Philippe Méda. Il est l'un des meilleurs consultants en stratégie de l'innovation, un pionnier du business design. Il pousse les innovateurs, entrepreneurs ou intrapreneurs, à challenger leur mode de pensée, à abandonner leur paradigme techno ou produit-centré pour adopter celui centré Valeur.
Dans cet entretien, avec une grande sincérité et honnêteté, Philippe Méda vous raconte son parcours, les opportunités qu'il a saisis et développés, sa vision de l'innovation et du conseil.
Apprenez des meilleurs, et Philippe Méda est sans conteste, un des meilleurs de sa catégorie.
Présentation de notre invité
Biologiste de formation, ancien chercheur en immunobiologie PhD de l’Université de Grenoble promo 96, co-fondateur de KELIS MEDICAL entreprise spécialisée dans la conception et distribution de dispositifs médicaux, MBA de la KEDGE Business School de Bordeaux promo 2007, et pour ce MBA, Philippe Méda s'est intéressé à la connexion entre la haute finance et l’économie réelle … juste avant la crise planétaire de 2008. Visionnaire !
Et depuis près de 20 ans maintenant, il est consultant en stratégie de l’innovation. Basé à Marseille, en Octobre 2007, le Dr. Méda co-fonde l’agence Merkapt avec son épouse Dr. Stéphanie Mitrano, PhD en management spécialiste du mentorat de dirigeants et de la culture du leadership.
En 2016, le couple relocalise l'agence aux Pays-Bas pour continuer l’aventure, et leur agence se nommera alors Innovation Copilots. Nous reviendrons sur le choix de ce nom qui reflète la façon particulière avec laquelle, le duo de chic et de choc accompagne leurs clients, principalement, des grandes entreprises mais aussi des startups, des incubateurs. Ils interviennent sur tout secteur confondu, mais avec un focus, la Valeur.
Le Dr. Philippe Méda est un expert de la notion de valeur. Cette notion de valeur est souvent mal comprise par les entrepreneurs, les entreprises, voire même dévoyée par certaines.
Le Dr. Méda est également Professeur en MBA, conférencier, investisseur, l'agence a un pied en Europe et un pied en Asie, à Shanghai pour être précis.
Ce mois de juin, sur son compte Twitter, il annonce le lancement de leur Web School pour former et muscler les startupers BtoB.
Dr. Philippe Méda
Innovation Copilots : https://www.icopilots.com/
Twitter : https://twitter.com/icopilots
Ari Massoudi, animateur Epsitémê Entrepreneur :
Malgré mon micro de compétition, mon son (et même après nettoyage) est horrible ! Le micro a même eu l'outrecuidance de m'attribuer un zozotement ! Néanmoins, le son de notre invité est excellent et c'est le plus important.
Cet entretien est organisé en 3 chapitres :
I) Parcours, rêves d’étudiants, transition vers le monde de l’entreprise et du business
II) Activité de consultant à travers l’agence Merkapt puis Innovation Copilots
II) Web school
Parti I : parcours initial
- Pourriez-vous nous parler de vos études en sciences ? Pourquoi les sciences et la biologie en particulier ? Comment se voyait le jeune étudiant que vous étiez en entrant à la fac de science ? Est-ce que vous aviez à ce moment-là, une vision claire de ce vous vouliez faire plus tard avec ces études et vos diplômes ? Aviez-vous le rêve de devenir chercheur ou professeur dans le monde académique ? Ou est-ce que déjà c’était la création de valeur qui nourrissait votre driving force ?
- Quelle a été l’opportunité qui vous a permis d’entrevoir qu’il pouvait exister une autre voie que la sacro-sainte carrière Académique ?
- Comment s’est déroulée cette transition ?
Après votre doctorat, vous suivez une formation en management de la qualité qui vous permet de décrocher un poste de Sales dans une entreprise de services logistiques pour l’industrie pharmaceutique.
- C’était courageux de votre part ce saut dans l’inconnu. Comment vous l’avez vécu ?
- Comment de la qualité (formation qui aurait pu vous cantonner à la R&D et la production), vous avez évolué en sales et comment vous avez développé vos compétences dans ce domaine ?
- Est-ce que cette expérience a été le tremplin pour la suite ? Est-ce que c’est suite à cette expérience que vous vous êtes dit “je veux entreprendre” ou “je veux être dans le monde du business” ?
Vous cofondez KELIS MEDICAL une entreprise de distribution de dispositif médical avec un business model BtoB, je précise, car je me demande si votre appétence pour les startups BtoB ne viendrait pas de votre expérience.
Vous avez dirigé le développement business de KELIS durant 6 années, entreprise qui existe toujours et qui est prospère.
- Quelle a été l’histoire de la création KELIS ? Comment s’est présentée cette opportunité ?
Vous quittez KELIS pour suivre un MBA, puis à la sortie de cette formation, vous vous lancez dans le conseil.
Parti II : Merkapt puis Innovation Copilots
- Était-ce encore un saut dans l’inconnu ? Ou aviez-vous mûrement préparé cette nouvelle activité au cours de votre MBA ?
- Est-ce que c’est au cours de ce MBA où vous avez identifié un manque, un besoin des entreprises en stratégie et qui plus est, un manque sur l’innovation ?
- Pourquoi avoir choisi le conseil ? Et surtout le conseil en innovation ?
Là encore, c’était audacieux à cette époque.
Aujourd’hui, votre offre se structure en 3 axes :
- l’accompagnement en stratégie de l'innovation que vous portez
- l’accompagnement en culture leadership, porté par Stéphanie Mitrano que nous inviterons pour une émission spéciale.
- et maintenant la web school
- Comment à l’origine vous avez structuré cette nouvelle entreprise ?
Une entreprise de conseil est une entité singulière qui s’appuie sur les connaissances et les prestations intellectuelles de ses dirigeants-consultants.
- Comment vous avez décroché vos premiers contrats ?
A cette époque, 2007 je le rappelle, le marché du conseil en stratégie était sous la domination des grands cabinets qui avaient comme clients des grandes entreprises, et dans la culture franco-française les PME n’étaient pas ou peu acheteuses de prestation de services en conseil (hormi l’expert comptable et l’avocat, et peut-être son syndicat de corporation, un dirigeant de PME n’avait pas d’autres conseils autour de lui), et l’innovation était un terme vague dans les esprits, et même loin des préoccupations des dirigeants).
- Comment avez-vous vécu ces premières années dans cette nouvelle aventure Merkapt ? Tout était à faire voire à inventer ?
Votre offre - qui était novateur en soi, vous avez été un des pionniers à allier stratégie et design qu’on appelle aujourd’hui business design -, la prospection, le pricing et la vente (toujours un casse tête quand on démarre), la relation client ...
- Est-ce que l’écosystème innovation qui émergeait à cette époque comprenait votre offre ? Est-ce que vous cibliez les PME françaises, ou dès la naissance de Merkapt vous avez ciblé les grandes entreprises ?
En marketing et sales, il est coutume de dire que si le prospect n’a pas conscience de son problème, on doit l’aider à conscientiser le problème et les conséquences négatives de son inertie, pour ensuite lui vendre une solution.
- Aujourd’hui, on parle d’évangélisation (qui se fait à base de storytelling), est-ce que vous avez du évangéliser vos prospects entreprises ? Si oui, est-ce que vous avez des anecdotes ?
- Ou alors, il existait déjà une forte demande non servie pour votre offre et vous vous êtes concentré sur le livrable et la relation client ?
Votre particularité, c’est d’accompagner vos clients en mode copilote.
- Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ? Et en quoi cela diffère d’une prestation de conseil “classique” en stratégie ?
Votre façon de poser la question de l’innovation pour vos clients est aussi atypique, en fait, intelligente, tout simplement. Vous ne brossez pas le client dans le sens du poil (comme le font certains cabinet de conseil en stratégie), vous ne les suivez pas sur leur idée aussi géniale puisse-t’elle être, vous ne nourrissez pas leur biais de confirmation. Bien au contraire, vous challengez, boxez intellectuellement vos clients pour qu’ils poussent leur réflexion au-delà de leur idée, sur le problème ciblé. La qualification du problème est essentielle.
- Pourriez-vous nous en dire plus ?
Vous proposez également un framework organisé en 3 blocs : Problem, Valeur-ajoutée et Produit et vous invitez vos entrepreneurs à explorer ces blocs dans l’ordre cité, donc le produit en dernier, évitant ainsi de finir techno ou produit-centré sur son nombril comme c’est souvent malheureusement le cas.
Vous portez également votre regard sur l’écosystème dans laquelle l’idée, la proposition nouvelle cherche à s’insérer.
- Apporter de la valeur non seulement au client, mais aussi à l’ensemble des acteurs de son écosystème, est-ce bien cela que vous analysez ? Et comment aidez-vous vos entrepreneurs à y voir plus clair ?
Cette approche de s’intéresser finement à l’écosystème est typique de la vision du biologiste écologue ou même de l’immunobiologiste.
L’innovation étant un phénomène social chaotique baignant dans l’incertitude, il ne peut donc exister de méthode A=>B=>C=>D assurant, garantissant le succès d’un produit (bien ou service).
Néanmoins, l’approche de conception des designers a infusé dans le monde de l’entrepreneuriat avec 4 chapitres ou dimensions à explorer :
- la désirabilité (la demande),
- la faisabilité (réalisation technique de l’offre),
- la viabilité (business model / revenue model)
- l’adaptabilité (dans l’écosystème).
Chaque chapitre est un monde sombre à explorer et à éclaircir par l’entrepreneur avec des expériences à mener avec les parties prenantes (clients, partenaires, prescripteurs …).
Je sais que vous êtes assez critique lorsqu’on oublie à quel point l’expérimentation et la réitération sont importantes dans l’approche design et que l’on passe son temps à coller des post-it.
- Est-ce que dans votre accompagnement, vous encouragez/orientez vos entrepreneurs à suivre ces chapitres dans un ordre donné ?
- Et si oui, les aidez vous à concevoir les expériences dont ils auraient besoin pour valider leurs hypothèses ?
Je pose la question car il est devenu populaire de ne se focaliser que sur la désirabilité, et une fois seulement la désirabilité validée, on s’intéresse aux autres chapitres.
Je fais bien sûr référence au motto “fake it until you make” rendu célèbre par les entrepreneurs du web, consistant à tester la demande pour une idée/produit en fakant son existence et en le pré-vendant. Les entrepreneurs du web sont poussés à être les plus véloces possibles au regard de la forte concurrence et des barrières à l’entrée basses dans leur monde. Ils ont diffusé l’approche Lean, puis maintenant, on ne s’embête même plus avec un MVP, on parle de pretotype, de maquette utlra réaliste et/ou ultra séduisante que l’on pré-vend aux clients … ou aux pigeons !
Cette approche est devenue tellement prédominante que l’on a l’impression que plus aucun entrepreneur ne pourra plus proposer une idée, un projet sans cette approche. Même des secteurs où le sérieux de la conception était de mise, comme la biotech ou la medtech ont adopté cette approche, avec parfois des arnaques célèbres comme Théranos ou Ubiome, et d’autres scandales à venir (il existe dans la Silicon Valley un accélérateur mega financé uniquement dédié à créer des biotech sur ce modèle !).
- Est-ce selon vous, se focaliser sur la désirabilité, est caricatural voire délétère pour certaines typologies de projets ?
- Ou au contraire, pousser les entrepreneurs, quelque soit leur idée/projet à se focaliser en 1er sur la désirabilité est finalement une bonne chose ?
Parti III : Web School
Je vous cite :
“80% des startups ne parviennent pas à concevoir une solution viable au problème des utilisateurs ciblés. Sur les 20 % restants, 80 % ne parviennent pas à créer une traction continue. Et finalement, 80% des quelques survivants échouent à croître cette traction, car ils n'étaient pas préparés dès le premier jour.”
- Est-ce que la web school que vous proposez avec Stéphanie Mitrano et Vivien Ruivaco a comme ambition d’aider les entrepreneurs à battre les statistiques ?
Vous avez ENFIN lancé votre web school ! Oui, c’est un reproche.
- Pourquoi pas avant ?!
Vos connaissances, votre expérience et votre expertise auraient pu aider tellement d’entrepreneurs.
- Pourriez vous nous présenter les formations proposées, votre équipe, ce que vous avez concocté de bon pour les entrepreneurs ? Et quelle typologie de startup vous adressez vous (secteur, stade de développement, primo-entrepreneur ou déjà expérimenté ... ?
- C’est un programme de 3 semaines ? Est-ce que les entrepreneurs participant auront des missions à accomplir (des expériences pour éclaircir les différentes dimensions du business model citées plus haut) ? Est-ce que votre équipe leur offre aussi un mentorat ? Ou est-ce que les formations sont uniquement sur le mode MOOC (ou POC Private Online Cours) ?
- Est-ce que vos formations ne pourraient pas aussi être grandement bénéfiques aux business angels voir aux VC qui investissent en seed à serie-A ?
Il serait temps qu’on éduque les investisseurs aussi. Qu’en pensez-vous ?
Pour conclure, est-ce que vous pourriez offrir quelques conseils aux jeunes scientifiques qui aimeraient sortir du monde académique et qui seraient attirés par l’entrepreneuriat ?
E² - Épistémê Entrepreneur
300 ans avant notre ère, l'immense polymath grec Aristote définissait le mot épistémê comme étant une vertu, celle des Savants en action.
Quoi de plus noble que de mettre la Science en action à travers une entreprise !
Sans langue de bois, E² donne la parole aux scientifiques entrepreneurs pour qu'ils présentent leurs startups deep tech et partagent avec vous leur précieuse expérience.
E² démystifie pour vous l’entrepreneuriat technologique.
Nos invités vous parlerons de leurs parcours, leurs motivations, les problèmes critiques qu'ils ambitionnent de résoudre, les obstacles qu'ils ont surmonté et les challenges avenirs.
Passion - Ambition - Innovation
Profitez de l'expérience de vos aînés pour booster votre propre ambition.
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Dr. Ari Massoudi: https://www.linkedin.com/in/arimassoudi/