Invisible Influence
The Hidden Forces that Shape Behavior
Jonah Berger est professeur de marketing à la Wharton School de l'Université de Pennsylvanie et auteur à succès international de Contagious, Invisible Influence et The Catalyst. Il est un expert de renommée mondiale sur l'influence sociale, le bouche à oreille et les raisons pour lesquelles les produits, les idées et les comportements prennent de l'ampleur et a publié plus de 50 articles dans des revues universitaires de premier plan. Il a été consultant pour diverses entreprises du Fortune 500, a donné des conférences à des centaines d'événements et des comptes rendus populaires de son travail apparaissent souvent dans des endroits comme le New York Times, le Wall Street Journal et la Harvard Business Review. Ses recherches ont également été présentées dans « Year in Ideas » du New York Times Magazine.
Quatrième de couverture
Si vous êtes comme la plupart des gens, vous pensez que vos goûts et opinions individuels déterminent vos choix et vos comportements. Vous portez une certaine veste parce que vous avez aimé son apparence. Vous avez choisi une carrière en particulier parce que vous la trouviez intéressante. L'idée que nos choix sont motivés par nos propres pensées et opinions personnelles est manifestement évidente. Vrai ? Vous avez tort.
Sans que nous nous en rendions compte, le comportement des autres a une énorme influence sur tout ce que nous faisons à chaque instant de notre vie, du banal au plus important. Même les étrangers ont un impact sur nos jugements et nos décisions : nos attitudes envers une politique de protection sociale changent si on nous dit qu'elle est soutenue par les démocrates contre les républicains (même si la politique est la même). Mais l'influence sociale ne nous amène pas seulement à faire les mêmes choses que les autres. Dans certains cas, nous imitons les autres autour de nous. Mais dans d'autres cas, nous évitons des choix ou des comportements particuliers parce que d'autres les adoptent. On arrête d'écouter un groupe parce qu'il devient mainstream. Nous n'achetons pas la mini-fourgonnette parce que nous ne voulons pas ressembler à la maman de famille qui amène les enfants du quartier au football.
En comprenant comment fonctionne l'influence sociale, nous pouvons décider quand résister et quand l'embrasser, et apprendre comment nous pouvons utiliser ces connaissances pour exercer plus de contrôle sur notre propre comportement. Dans Invisible Influence, Jonah Berger « est constamment divertissant, appliquant la science à la vie réelle de manière surprenante et expliquant la recherche par le récit. Son livre fascine parce qu'il ouvre les pièces mobiles d'une mystérieuse machine, permettant aux lecteurs de les regarder en action » (Publishers Weekly).
Note de lecture en français
Préambule
La preuve/norme sociale (moutonisme, grégarisme, conformisme) : les gens auront tendance à suivre ceux que les autres, ceux qui leur ressemblent, (cad ceux qui ont la même identité sociale au sein d’un groupe/segment) font.
La preuve sociale est aussi une preuve de faisabilité pour un comportement demandé. “Regarde ce que tous les enfants de ton âge font” … veut dire que c’est faisable, tu peux le faire aussi, et ça marche tout autant chez les adultes.
Le principe d’Autorité (notre tendance naturelle à obéir à l’autorité, donc aux personnes et règles qu’on qualifie comme telles) fonctionne bien mieux quand on ne peut pas se référer à la Preuve Sociale (que les gens préfèreront toujours par simple bon sens). Quand on ne sait pas quoi faire (donc pas de référence à suivre), l’avis de l’expert devient parole d’évangile !
Le mimétisme/moutonisme kinésique : L’Homme a tendance à imiter (à cause de ses neurones miroirs) tout ce qui bouge autour de lui dans son environnement, les autres Hommes, mais aussi les animaux, les arbres et les éléments (la mer, le soleil, le vent, le feu) ! L’origine des danses vient des 1ers Hommes qui imitaient la faune, la flore et les éléments pour s’en approprier la force, leurs qualités.
- Le moutonisme/conformisme/pression sociale agit également quand on a la réponse
Dans l’expérience de Asch, le sujet se conforme aux autres (les acteurs) et donnent la mauvaise réponse bien qu’il ait la bonne réponse.
L’utilité évolutive du moutonisme permet aux individus jeunes (et moins jeunes) d’apprendre des connaissances plus rapidement en “singeant” les aînés (ou les autres individus du groupe) (sans se poser de question). Autant dans un environnement préhistorique hautement dangereux, l’avantage du moutonisme est évident, autant le moutonisme dans un environnement urbain post-moderne devient une espèce de réflexe qui pousse à la stupidité !
- Les autres sont influencés (influençables) par la société, pas MOI !
La majorité des gens sont convaincus que leurs choix et décisions sont basés sur leur réflexion rationnelle fondée sur leur intérêt personnel (rapport qualité/prix, durabilité, usage …), et que par contre, les choix et décisions des autres sont influencés par la Société. Moi je suis intelligent, mais les autres sont des moutons !
Nous sous-estimons systématiquement notre influençabilité.
- Plus on voit (avec ses yeux) ou entend (avec ses oreilles) quelqu’un Y ou quelque chose Z, plus on l’apprécie (Y ou Z) et plus on apprécie ce qui est similaire à Y ou Z
On demande à des étudiants en psychologie (jeunes hommes) d’évaluer l’attractivité de 4 jeunes femmes (physiquement très semblables et habillées de la même façon)* : A, B, C et D.
A ne s’est jamais rendue dans l’amphi dans le cours de psychologie parmi les étudiants
B s’y est rendue (en tant qu’étudiante) 5 fois (sur les 40 cours de psy)
C s’y est rendue (en tant qu’étudiante) 10 fois
D s’y est rendue (en tant qu’étudiante) 15 fois
Les fausses étudiantes n’ont pas interagi avec les autres étudiants, elles se posaient dans l’amphi, prenaient leurs notes et s’en allaient à la fin du cours.
Résultat : c’est D qui a été évaluée comme la plus attirante.
*Les étudiants qui n’avaient pas pris le cours de psycho ont évalué les jeunes femmes de façon équivalente A = B = C = D
Quand on a demandé aux étudiants du cours de psy s’ils se souvenaient avoir vu B, C ou D, aucun n’a pu se souvenir de la présence de ces filles dans leur amphi.
D’où l’insistance intuitive des parents pour que leurs enfants aillent rendre visite aux grand-parents afin que ces derniers ne les oublient pas sur leur testament !
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Après un ouragan catastrophique (dégâts matériels importants, nombreux blessés et morts), à cause du buzz médiatique, le nom de l’ouragan (ex. Iram, Katrina …) est blacklisté (inconsciemment) par les parents comme nom à donner aux nouveaux-nés, par contre, les noms qui sonnent comme le nom de l’ouragan sont beaucoup plus choisis (ex. ouragan Katrina => Keegan, Kevin, Clark, Karl, Carmen ….) durant le (ou les) mois qui suit l'événement.
Les médias de masse ne sont pas capables de nous dire quoi penser, mais à quoi penser !
Explication : le cerveau reptilo-mammalien (système 1) cherche continuellement ET automatiquement à trouver le chemin le plus court afin de nous faire prendre une décision (en court-circuitant, inhibant le cerveau cognitif), notre survie en dépend(ait), et ce qui est familier est donc sans danger cad digne de confiance et fiable, et donc nous nous décidons pour ce qui est familier plutôt que ce qui est nouveau ! C’est aussi con que ça ! C’est aussi le mécanisme de la mise en place des petits rituels individuels dans la vie de tous les jours. Les cornflakes de la marque X sont devenus LE petit-déjeuner de Jean tous les matins, c’est une routine, un rituel (peu importe s'il existe des cornflakes ou d’autres aliments moins chers, meilleurs nutritivement ou meilleurs au goût). Si Jean devait chaque matin analyser (avec son cerveau rationnel) s’il fait le bon choix concernant ses cornflakes, sa vie deviendrait un enfer, car alors il devrait peser et soupeser TOUTES ses décisions. Dans un couple, chacun accepte, supporte les petites habitudes (rituels) énervantes de l’autre. Cette concession que les individus d’un couple acceptent (inconsciemment et de façon tacite) est la base de la familiarité, cad la confiance dans l’autre. Sinon, à chaque instant, chaque membre du couple devrait analyser si l’autre est de confiance, fiable, sans danger … cela serait épuisant !
- Utiliser le moutonisme pour innover
Préalable : quand il s’agit de nouveauté (idée, produit matériel - bien - ou immatériel - service, prestation ... -), la majorité des gens sont incapables de décider s’ils aiment cette nouveauté, si elle leur convient, leur elle est bonne pour eux, leur est utile … Ils en sont INCAPABLES.
Expérience : les chercheurs ont une liste de chansons nouvelles de jeunes groupes inconnus qu’ils veulent faire évaluer aux gens. Les chercheurs créent plusieurs monde séparés :
Monde a) : les gens peuvent voir ce que les autres de leur monde ont aimé et téléchargé (avec mise à jour instantané des informations relatives aux chansons les plus ecoutées et téléchargées)
Plusieurs Monde b) où les gens voient juste la liste de chansons sans avoir accès aux informations qu’ont les gens du groupe a). Les différents Monde b) se distinguent par le fait que l’ordre des chansons dans la liste est différentes pour chaque Monde b).
Les gens dans chaque groupe b (et a)) ont les mêmes caractéristiques (même tranche d’âge, parité, distribution égale selon les goûts musicaux déclarés …).
Résultat : très rapidement, quelques chansons se détachent dans le monde a) et sont les plus aimées et téléchargées. Plus le temps passe, et plus l’écart entre les chansons en tête se creuse avec le reste des chansons. En revanche, dans les Mondes b), chaque monde a un hit parade qui lui est propre, mais les écarts (en terme de Like) entre les chansons en tête et ceux en bas ne sont pas énormes.
Rq : dans tous les Mondes b), les bonnes chansons ont été évaluées dans la moitié supérieure du classement et les mauvaises chansons se retrouvaient dans la moitié inférieure (mais n’avaient jamais la même position dans les différents Monde b), ce qui montre que globalement, en l’absence de moutonisme (influence sociale), on arrive à évaluer la qualité intrinsèque de façon relativement objective.
En dehors, de l’influence sociale, les gens des Mondes b) ont exprimé leurs intérêts vis à vis des chansons en “toute liberté” selon leurs goût musicaux (du moins on peut l’espérer). Alors que dans le Monde a), dès que les tous premiers Like/Téléchargement ont démarré, cela a amorcé le moutonisme des gens du Monde a) … et c’est comme ça que l’on se retrouve avec des blockbusters, des best-sellers ou tubes planétaires avec des films, des produits, des livres ou des chansons de merde (ou de qualité) … le tout certainement manipulé par les maisons d’édition et les producteurs !
Si on recrée plusieurs Monde a), de même, un groupe de chansons se détache rapidement et se colle en tête, mais ce groupe de chansons est différent dans chaque Monde a). La différence entre les Mondes a) est juste l’ordre des chansons affichées [et les gens bien sur, mais ils ont été choisis pour que chaque Monde a) ait des gens globalement équivalents]. Et c’est toujours, les 1eres chansons likées qui amorcent les Like suivants. Si dans le Monde a1, c’est un rap qui est liké en 1er, il amorcera les like suivant, et si dans le monde a2) c’est un rock qui liké en 1er, il amorcera les like suivant.
Expérience : terrain vague servant de parking sans emplacement peint au sol. La 1ere voiture qui arrive et qui se gare va donner le LA pour les autres voitures qui arriveront se garer. La 2nd voiture se garera juste à coté de la 1ere, la 3eme se mettra à côté de la 1ere ou de la 2nde ect ….
La qualité intrinsèque d’une proposition nouvelle contribue à son succès (innovation), mais sans le moutonisme, pas d’innovation blockbuster.
- L’influence des frères et soeurs aînés sur les cadets : mimétisme et différenciation
Les frères et sœurs cadets veulent à la fois ressembler à leurs frères ou sœurs aînés tout en se différenciant d’eux ! C’est un paradoxe apparent. Si l’aîné fait du foot (ou piano), le cadet voudra en faire aussi, mais si l’aîné ne persévère pas dans le foot (ou dans le piano), alors le cadet voudra devenir un champion de foot (ou pianiste pro) !
- Désir de différenciation dans le conformisme (innovators/early-adopters)
Une fois assimilé dans un groupe social (cad un groupe ayant ses normes), l’individu voudra s’y différencier (afin de se faire remarquer, admirer par les membres du groupe) tout en respectant le conformisme cad les normes du son groupe.
Ex. Florentin un bobo niçois (tacle gratuit envers mes amis niçois !) remarque dans une galerie d’art contemporain une peinture d’un artiste à la mode. Il réfléchit sérieusement à l’acheter pour décorer son salon (cad à différencier, individualiser son espace privé qui l’identifie). Son voisin et ami Tristan (également bobo niçois) l’invite pour prendre un verre, et lui montre la peinture qu’il vient d’acheter (du même peintre à la mode, et peinture ressemblant assez à celui que Florentin voulait s’acheter).
Quel sera le choix de Florentin ?
a) Il achètera tout de même la peinture au risque de passer pour un faible ou un copieur
b) Il achètera tout de même une peinture, soit du même peintre mais une autre toile, ou soit d’un autre peintre mais de même style.
c) Il achètera une statue en marbre, style renaissance ! => risque de choquer son groupe.
Réponse b sera le comportement le plus probable : marquer sa différence dans son groupe de bobos, mais sans risquer de s'en exclure.
- Se faire déposséder de sa différenciation mais continuer à s’y rattacher
Ex: Dans un monde où l’on aime la musique rock, lorsqu’un groupe “underground” devient célèbre, les fans de la première heure (les innovators/early-adopters) se sentent dépossédés de ce qui les différencie dans leur monde. Ces fans là ne vont pas abandonner le groupe qu’ils aiment (cela serait trop radical et coûteux - Principe de cohérence par rapport à nos choix passés) même s'il ne leur appartient plus. Ils vont alors être atteints du syndrome de snobisme qui consiste à déclarer : “les chansons du groupe étaient meilleures quand ils n’étaient pas connus, leurs chansons sont devenues plus commerciales (maintenant qu’ils sont connus)”.
Cette attitude leur confère une sorte d’expertise vis à vis de la masse des nouveaux fans, ce qui leur permet de préserver leur différenciation.
- Image (identité) que l’on se fait de soi
Contexte : un restaurant steakhouse proposant un steak de 500 g ou de 250 g
Si sur le menu, il est indiqué que le steak de 250g est pour les dames (et steak coupé pour les dames), 80% des femmes le choisiront, et 95% des hommes choisiront le 500g même s’ils n’ont pas une faim justifiant ce choix.
Si sur le menu, le steak à 250g est indiqué comme “la coupe du Chef”, alors le % d’hommes qui le choisissent sera beaucoup plus élevé.
Moralité, si on veut forcer la main d’un client homme, il suffit de lui indiquer que les produits - que l’on ne souhaite pas lui vendre - sont ceux choisis par les femmes, et que celui que choisissent les hommes est ce produit Z là.
Pour influencer les étudiants dans les campus universitaires à ne pas boire excessivement (binge drinking), deux campagnes d’affichage ont été conçues :
a) Une affiche informative présentant les risques liés au binge drinking et le nombre de mort.
b) Une affiche montrant un geek à lunettes et à boutons (stéréotype du type pas cool en milieu universitaire) s’adonnant au binge drinking avec un slogan du type : “ne ressemblez pas à ça”
La campagne b) fonctionne alors que la a) est un échec ! La campagne a) induit une baisse de 50% de la consommation d’alcool.
- La facilitation et inhibition sociale ou effet de groupe sur les performances individuelles
La facilitation sociale est un phénomène selon lequel la présence d'autrui, en situation d'audience ou de co-action, mais sans collaboration, a un effet positif sur les performances (intellectuelles ou physiques) d'un individu.
Ex. Un cycliste aura de meilleures performances s’il roule avec d’autres cyclistes, un chercheur sera plus productif s’il travaille dans un labo entouré d’autres chercheurs (sans collaboration avec ces derniers) … etc.
Performance : individu seul <<< individu entouré d’autres individus en audience ou en co-action (cad faisant la même chose que lui) <<< individus collaborant ensemble
L’inhibition sociale c’est l’inverse, les performances de l’individu sont inférieures en présence d’autres individus en audience ou en co-action.
La présence des autres, que ce soit dans un effet d'audience ou de co-action, aura ainsi un effet négatif en début d'apprentissage, lorsque l'acquisition n'est pas encore faite ; et inversement, un effet positif lorsque la tâche est maîtrisée. D’où la nécessité dans l’éducation/instruction des enfants, qu’un des parents prévoit toujours des moments pour s’impliquer dans les devoirs, pour amorcer l’apprentissage d’une nouvelle matière, dans une ambiance intime, sécurisante … sans la présence inhibante des frères et soeurs, et des camarades de classes. De même en entreprise, il est important qu’un stagiaire opérationnel ou un nouvel employé soit accompagné par un sénior (bienveillant) dans un premier temps !
Autre point, en début d’apprentissage, il faut encourager/applaudir les réussites et minimiser/ignorer les erreurs et ratées ; à l’inverse, lorsque l’on maîtrise un sujet, la critique constructive est non seulement audible mais surtout beaucoup plus bénéfique que les encouragements et applaudissements lors des réussites.
BONUS 1/2
En complément, je vous recommande cet excellent artcile "Conformité et Soumission" écrit par Philippe Gouillou, paru dans la newsletter neuromonaco.com :
BONUS 2/2
COMMENT UTILISER LE MOUTONISME POUR INNOVER
A visionner jusqu'à la fin de la vidéo pour comprendre !
Préambule : quand il s’agit de nouveauté (idée, produit matériel ou immatériel - service, prestation ... -), la majorité des gens sont incapables de décider s’ils aiment cette nouveauté, si elle leur convient, leur est utile … Ils en sont INCAPABLES.
Cibler une niche pour (espérer) innover
(Innover : propager avec succès une nouveauté dans la société)
La différence entre faire le buzz et innover est qu’innover c’est faire d’un buzz un succès commercial. Le danseur atypique crée la tendance sur le principe du moutonisme (buzz) mais ça restera un buzz (sauf pour celui qui a filmé et qui a monétisé la vidéo via les vues). Lorsque l’on veut amener un produit nouveau sur le marché, il faut s’équiper au préalable du système (business model) qui permettra de gagner de l’argent. Harry Potter aurait pu finir par buzzer si l’auteure l’avaient auto-édité ou mis en ligne gratuitement, mais elle n’aurait jamais eu la puissance business de son éditeur pour capitaliser sur le buzz.
Les innovations se propagent de l'extrême gauche vers la droite sur le schéma ci-dessous (mais aussi de l'extrême droite vers la masse). Il faut donc réussir à (amorcer) agglutiner les innovators et early-adopters autour de votre produit pour ensuite entraîner la moutonisation de la masse (pour votre produit).
Diffusion des innovations destinées in fine au grand public : les 5 groupes
- Les innovators
Gadejtophiles/technophiles, fashionistas, adorent la nouveauté, haut-pouvoir d’achat.
- Les early-adopters
Achètent la nouveauté car elle répond à leur besoin, elle résout leur problème, ils sont exigeants et pointus (veulent du sur-mesure), ont un haut-pouvoir d’achat.
- Les early-majority
Font partie de la classe moyenne supérieure, ils sont pragmatiques (attendent que la preuve du concept soit faite, largement acceptée), conservateurs (cad que les sacrifices qu'ils devront concéder pour adopter la nouveauté auront plus de poids dans leur décision d'achat que les bénéfices qu'ils en tireront), n’aiment pas la nouveauté et le risque.
- Les late-majority
Font partie de la classe moyenne basse, plus conservateurs, n’aiment pas la nouveauté et le risque, s’équipent plus tardivement car attendent la baisse des prix et une solide SAV.
- Les laggards (traînards et réfractaires)
Classe pauvre, attendent le marché de l'entrée de gamme, de l’occasion ou de forte baisse des prix (soldes, déstockages, low-cost) avant de s’équiper.
Seth Godin distingue deux périodes dans notre monde moderne :
L'ère télé-industrielle (allant des années 50 à fin des années 70) et l'ère de saturation des marchés (allant des années 80 à nos jours).
Ere télé-industrielle : La demande dépassait l’offre, et il suffisait de produire un produit standard, d'en faire la pub à la télé (avec peu de chaînes et des chaines très regardées) en s’adressant à la majorité (précoce et tardive), une pub qui rend le produit attrayant, intéressant ou amusant pour ensuite amener les clients vers l'unique canal de distribution et d’embaucher les dollars ! Puis avec les bénéfices, on construisait une nouvelle usine, on faisait encore plus de pub, on vendait encore plus … etc.
Mais depuis les années 80/90 à nos jours, le modèle télé-industriel ne marche plus.
Ere de saturation : L’offre dépasse la demande, tous les marchés sont saturés ! Par conséquent, il faut que votre offre soit remarquable dès le départ (et non rendue remarquable à posteriori par les artifices de la pub), qu’elle soit une vache pourpre au milieu d’un champ où broutent des vaches standards !
En tant qu'entrepreneur-innovateur, il faut concevoir/fabriquer votre produit pour qu’il soit unique et remarquable, pour cela vous avez deux stratégies possibles :
- Viser les innovators/early-adopters, positionnement haut-de-gamme et/ou de niche (pour ensuite espérer diffuser vers la majorité)
- Viser les retardataires (cad ceux qui n’ont pas les moyens financiers de s’équiper ou de renouveler leur équipement en même temps que la majorité précoce ou tardive), positionnement low-cost (et non pas bas-de-gamme ou entrée-de-gamme). Le low-cost ce n’est pas juste un prix bas, c’est tout un business model associé (business model radicalement innovant) qui disrupte les acteurs historiques qui sur-servent leur client (je veux juste aller d'un point A à B pour pas cher et je me fous qu'on m'offre le journal, une boisson, une collation, de l'espace pour mes bagages à main, un siège confortable ... => companies aériennes low-cost).
En ces temps post-ère télé-industrielle, où les publicités sont ignorées par les consommateurs, la publicité idéale devrait être faite au moment où le client cherche un produit et à l’endroit où il vient le chercher. C’est comme si on pouvait diffuser une publicité d’un super marteau devant le rayon des marteaux quand le client passe devant ce rayon avec en tête l’idée de planter un clou ! Mission quasi-impossible (certes, chez Castorama ou Leroy Merlin, il y a des écrans à l'entrée des rayons qui diffusent des pubs pour certains produits mais on est encore loin d'un Minority Report du marketing).
La publicité en ligne (boostée à base de data-marketing, IA et de retargeting ou reciblage en français) promet aux annonceurs de cibler les clients de façon ultra-personnalisée et en temps réel … enfin c’est la promesse. Le plus efficace est Google. Quand on fait une recherche Google “aspirateur”, parmi les liens sponsorisés (cad pub) on a des liens vers des marchands/marques d’aspirateurs. Mais le data-marketing/retargeting atteint ses limites.
Avec le nombre colossal de livres que j’ai acheté chez Amazon et autres plateformes, ils ne sont pas foutus de me proposer des livres qui pourraient m’intéresser en fonction de mes achats passés. J’ai comme proposition (en email ou via des pubs en visitant mon compte Facebook et autres sites), des livres que j’ai déjà acheté, des livres dont j’ai consulté la page que je n’ai pas acheté (car ils ne m'intéressaient pas), ou des livres qui n’ont rien à voir avec mes centres d’intérêt.
Oubliez la publicité adressée à la majorité, oubliez le data-marketing et ses promesses, étudiez plutôt vos clients potentiels à la façon d'un ethnologue, différenciez vos clients potentiels en fonction de leur comportement et de leur psychologie pour identifier vos innovators !
- Identifiez le groupe qui vous sera le plus rentable (achète peu, mais cher).
- Identifiez le groupe le plus à même de parler de votre produit.
Le groupe idéal est celui qui a ces deux caractéristiques à la fois. Votre publicité (et votre produit) doit s’adresser à ce groupe en priorité ! Concevez votre proposition de valeur pour qu'il soit remarquable (cad une vache pourpre) aux yeux de votre groupe idéal constitué d'innovators et d'early-adopters.
Le marketing classique se focalisait sur le produit et le marketing mix, ça marchait dans l’ère télé-industrielle où la demande dépassait l’offre et où les gens avaient de l’argent pour s’équiper et consommer. Mais dans notre ère de saturation des marchés et à l’infobésité publicitaire, la mission de l’entrepreneur/marketeur est d’influer sur le comportement des humains ciblés pour le modifier. L’entrepreneur/marketeur doit être un ethnologue (étudier ce que sa cible fait dans son environnement naturel - en présence ou absence de sa tribu - et non ce qu’il dit) ET un ingénieur/designer socio-culturel (construire le “parc d’attraction” qui domestiquera le client - soumission librement consentie - et le promènera d’un point A vers un point E en le faisant passer par les points B, C et D).
Ex: Starbucks a réinventé le parcours client dans un coffee shop et donc changé la manière qu’on a d’aller dans un café, de commander et de consommer une boisson chaude ! Qui aurait l'idée d'aller dans un Starbucks, de s'assoir à une table et attendre qu'un serveur vienne prendre sa commande ?
Ex: Ikea qui nous domestique en nous "obligeant" à suivre un parcours fléché au sol à sens unique dans ses magasins.
[ Stay Tuned : Prochainement, note de lecture du livre Small Data de Martin Lindström ]
Pourquoi existent-ils des innovators ?
Réponse : se différencier au sein de son groupe social en acquérant une barrière à l’entrée.
Les gens qui veulent se construire une identité aux yeux des autres pour se différencier du groupe (tout en y restant) acquièrent soit par l’argent un produit (bien et/ou service) singulier (et visible par la vue des autres*) ou soit en consacrant du temps à acquérir une expertise singulière.
*S’acheter une brosse à dents à 100 000 dollars ne permet pas d’exprimer son identité. Seuls les signaux visibles (par les autres) permettent de se construire une identité, un statut social.
Le produit singulier pourra être par exemple un produit technologique de pointe, un yacht, une montre de luxe très chère qui n’indique pas l’heure, et l’expertise pourra être par exemple la connaissance fine de l’histoire d’un groupe de rock, la connaissance pointue d’un championnat de sport z … etc.
Ces produits ou connaissances singuliers constituent une barrière à l’entrée que les autres du groupe social devront payer le coût (financier ou temps) pour la franchir. Cette barrière à l’entrée assure à l’individu un certain niveau de sécurité pour préserver son identité, sa singularité et lui assure aussi du Social Currency (ou devise sociale, concept développé par Jonah Berger dans son livre Contagious. Posséder du Social Currency, c'est posséder une devise immatérielle/tacite qui vous permet d'acheter l'intérêt des individus de votre groupe social). L'innovator est l’expert du groupe sur le sujet dont les autres sollicitent les lumières, ou est celui qui possède la fameuse montre à 12 000 francs suisse qui n’indique pas l’heure et qui suscite l’admiration des autres du groupe social.
VOICI LA MONTRE QUI NE DONNE PAS L'HEURE !
Une marque neuchâteloise s’offre une pub mondiale grâce à une révolution horlogère: il faut débourser 12 000 francs suisse pour ne pas avoir l’heure.
Ou encore, la crêpe à 120$
Le challenge pour l'entrepreneur est de passer la vallée de la mort, cad arriver à faire en sorte que sa proposition nouvelle se fasse accepter/adopter par la masse et ne reste pas un truc de niche.
Comment faciliter la diffusion de l’innovation des innovators/early-adopters vers la masse ?
La coupe “crête iroquoise” assurait aux punks des années 80 d’exprimer leur identité singulière tout en étant vue par les autres (puisqu’ils étaient des urbains zonant dans les avenues très fréquentées). La barrière à l’entrée que représentait cette coupe était suffisamment élevée pour que le commun des gens ne puisse pas s’y aventurer au risque de perdre son emploi et sa vie sociale normale.
Puis est apparu la coupe fauxhawk permettant aux jeunes branchés de “se payer” la barrière à l’entrée (car plus basse en termes de coût social) sans compromettre leur vie sociale.
Loi : être comme les autres en les imitant pour ne pas être exclus, pour adhérer à un groupe (l’Homme est un animal social) mais se différencier (légèrement) des membres du groupe pour s’affirmer, affirmer son identité (tout en bénéficiant de la protection du groupe).
La Vache Pourpre de Seth Godin (lien) n’est pas un animal extraterrestre (avec une forme inconnue) mais juste une vache qui se fait remarquer (car elle est remarquable).
Comment faciliter la diffusion de l’innovation des innovators/early-adopters vers la masse ? Réponse : Tactique du caméléon - ou du loup qui revêt une peau de mouton
Si une nouveauté (une proposition de valeur PV) repose sur une technologie ou une solution trop révolutionnaire, les gens - la masse - (même si la PV résout leur problème de façon radicale) vont s’en méfier et l’éviteront. A l’inverse si une PV est une copie de ce qui existe déjà ou a des attraits de ce qu'ils connaissent déjà, les prospects seront rassurés et l’acquerront.
Par conséquent, une PV basée sur une tech ou une solution révolutionnaire doit être “enveloppée” d’attributs/d'attraits rappelant l’existant (en tout cas, dans un premier temps, le temps que les gens s’habituent).
Ex:
- les premières voitures effrayaient les gens habitués depuis des milliers d’années aux chevaux et aux ânes => Solution => voiture avec une fausse tête de cheval.
- les voitures qui se conduisent seules ressemblent à une voiture tout à fait classique et ont même un volant alors que c'est inutile, et l'habitacle pourrait présenter des sièges de devant faisant face aux sièges arrières (comme dans les wagons de train).
- la recharge des voitures électriques qui imite la pompe à essence.
- les “pâtés à cuir” végétaliens en forme … de "steaks hachés" présentés dans un "burger" !
- le design de l'interface utilisateur (UI) des 1ers apps des iPhones (iOS 6).
L’inverse peut aussi être utile. On peut radicaliser l’apparence d’un produit ancien ou à innovation incrémentale pour le différencier de la concurrence.
Exemple de l'iMac (ordinateur personnel de chez Apple) qui à sa sortie n’avait pas des spécifications techniques révolutionnaires ... en revanche son design et ses choix de couleurs étaient très hors des normes de l’époque pour les ordinateurs de design austère !
Nouveauté au design vintage versus Produit vintage au design nouveau sont des techniques (tactiques) parmi d'autres qui permettent de faciliter la diffusion de l'innovation vers la masse.
Dr. Ari Massoudi https://www.linkedin.com/in/arimassoudi/