Note de Lecture sur la Dissonance Cognitive
Sources
La dissonance cognitive est vraissemblament un des concepts en psychologie parmi les plus cités dans le langage commun. On le cite à tout va ... mais c'est aussi un des concepts les moins bien compris. La dissonance cognitive permet d'expliquer bien des réactions et comportements humains, et sa compréhension serait à mon sens très utile aux fondateurs de startups, managers, consultants et coachs.
La dissonance cognitive est un stress psychique (cad une souffrance) que l’on ressent lorsque nos croyances ou nos choix et décisions passés (et nos affirmations publiques liées à nos croyances) sont confrontés à une réalité qui les dément ou les rends obsolètes.
La dissonance cognitive génère une tension psychique désagréable que l’individu cherche à réduire (on parle de réduction de la dissonance cognitive). Cette tension (stress) est due à un besoin fondamental, la préservation de la bonne image qu’on a de soi. Lorsque ce besoin n’est pas satisfait, lorsque l’image que nous avons de nous-même se détériore (humiliation, rejet social, non reconnaissance), cela peut entrainer une dépression voire le suicide.
C’est pour cela que notre physiologie essaie de nous protéger en renforçant notre conviction dans nos croyances, valeurs et décisions passées : nous ne pouvons pas perdre la face … face à nous même et face à notre groupe social.
Recherche de consonance cognitive
A cette fin, l’individu cherchera dans son environnement, les informations et faits qui renforcent ses croyances, valeurs et/ou décisions passés - biais de confirmation - ; information et faits qui lui permettent de s’auto-justifier, s’auto-excuser et/ou à rationaliser à postériori, car admettre son erreur détruirait la bonne image qu’il a de lui-même.
Ex : j’ai choisis de fumer des cigarettes par le passé et je continue d’être fumeur.
La réalité aujourd’hui me dit que fumer est dans dangereux pour ma santé et celle de mon entourage = Dissonance cognitive = Stress => tentative de réduction du stress => 3 réactions possibles : opposition, déni ou relativisme.
- Opposition violente: "n’importe quoi ! toutes ces études pseudo-scientifiques sont bidonnées !"
- Déni: "mais non, je ne fume pas tant que ça, je risque rien ou je fais beaucoup de sport, ça ne me concerne pas !"
- Relativisme: «ohh, mais on va tous mourir de quelque chose de toute façon !».
Là où cette notion est encore plus intéressante, c’est le pourquoi nous avons cette réaction de réduction de la dissonance cognitive. La raison est : notre image de soi … ou plutôt, la bonne image que nous avons de nous-même.
Avoir une bonne image de soi est un besoin tout autant vital que de manger ou boire ou respirer. Avoir une bonne image de soi, nous permet d’avoir la force psychique pour affronter le monde externe. Lorsque nous perdons cette bonne image de soi, on perd cette force psychique.
D’ailleurs dans le langage courant, on a l’expression « perdre la face ». Et les gens qui ont perdu une totale bonne image de soi, peuvent aller au pire (suicide).
Après la faillite de Lehman Brothers (Crise des subprimes 2007 => Faillite en chaine d'institutions financières et assurantielles 2008 => mise à nue de l'arnaque du Hedge Fund de Madoff - pyramide de Ponzi -), il y a eu des suicides chez les gérants de fortune - des personnes intelligentes et hautement instruites - qui avaient placé l’argent de leurs clients chez Lehman ou chez Madoff. Ces gérants ont perdu du jour au lendemain toute leur réputation (donc la bonne image qu’ils avaient d’eux-mêmes et la bonne image que leurs clients avaient d'eux). Leur réaction pour réduire leur dissonance cognitive a été l’opposition violente … mais envers eux-mêmes car aucune autre des deux options - le déni et le relativisme – ne leur permettait d’apaiser le stress psychique qu’ils éprouvaient.
En psychologie sociale, on retrouve un concept (ou théorie) proche de la DC appelé "théorie de l'engagement" (engagement envers nos croyances, choix, décisions et comportements passés), renommé "principe de cohérence" par Robert Cialdini dans son best-seller Influence et Manipulation.
La réduction de la DC se fait d'abord, par opposition (+ biais de confirmation en cherchant dans l’environnement des infos qui corroborent le choix/décisions/comportement passé), déni, relativisme pour ne pas se dédire ... puis assimilation d'arguments (mensongés ou pas) pour valider la nouvelle croyance et/ou comportement
"Oui, j’ai arrêté de fumer - alors qu’il rejetait tous les faits - , mais ça faisait longtemps que je ne fumais plus de toute façon - mensonge -".
C'est pour ça qu'il faut offrir sur un plateau, des arguments, ou mieux, une belle histoire, pour aider la personne à ne pas se dédire : "Rappelle-toi, tu nous avais dis que tu arrêterai de fumer pour tes 40 ans (pas vrai, mais si ça fonctionne …)".
Note de lecture : "The Catalyst - How to change anyone’s mind" de Jonah Berger
Les gens intelligents arrivent donc à reconnaître qu’ils se sont trompés et ont fait un mauvais choix, pris une mauvaise décision, et ils supportent donc la “destruction de l’image de soi” (de perdre la face), ils peuvent donc apprendre de leurs erreurs et s’améliorer.
La stupidité est l’incapacité à reconnaître ses erreurs (et d’en tirer des conclusions correctives).
Ca c’est la théorie car en pratique - comme dit l’expression “chaque personne à son prix pour se faire corrompre ” -, la résistance d’une personne dite intelligente face à “la perte de face” suite à une erreur est variable. Une personne intelligente (QI élevé) aura surement un seuil plus élevé qu’une personne moins intelligente, une personne intelligente aura un seuil différent d’une autre personne de même QI … la même personne à un moment de sa vie peut être moins résistante qu’à un autre moment en fonction des circonstances.
Sans avoir à faire passer un test de QI honéreux, le moyen le plus simple de jauger l'intelligence de quelqu'un est simplement de constaster s'il est capable de reconnaitre une erreur (sans essayer de réduire sa dissonance cognitive), puis d'essayer de comprendre où il s'est trompé afin de ne plus la reproduire.
Et vous alors ? Quel est votre seuil de résistance à la perte de face ?
Précision
Le Prof. Jais Adam-Troian, chercheur en psychologie sociale m'a apporté une précision pour compléter ma note de lecture :
Bien resume, mais attention car :
1) l'evitement de la "perte de face" n'est que l'une des motivations theoriques (et debattue)
2) la "perte de face" est en realite un tres bon moyen de changer les comportements et opinions
Dr. Ari Massoudi: https://www.linkedin.com/in/arimassoudi/