Quand nous sommes confrontés à un évèvement, notre tendance naturelle est de créer une histoire (créer du sens) qui explique ce phénomène cad de connecter les faits avec des liens de causalité.
Identifier des faits corrélables à un phénomène et y mettre un lien de causalité est le propre même du vivant. Même les unicellulaires ont cette aptitude.
Les goélands produisent des vibrations qui imitent le bruit des gouttes de pluie ce qui attire les vers à la surface : un comportement appelé « charmeur de vers ».
Fait 1 = gouttes de pluie tapent la surface de l'eau
Fait 2 = apparition de vers
Corrélation : (Fait 1, Fait 2)
Causalité : Fait 1 => Fait 2
Mouette imite (Fait 1) en tapottant la surface de l’eau avec ses pattes palmés pour faire apparaitre les vers (Fait 2) = Intelligence (décision/comportement bénéfique).
Il est donc biologiquement automatique pour tous les êtres vivants (de l’unicellulaire à l’Humain) de systématiquement de corréler des faits concommitants géographiquement et temporellement, puis de tisser des liens causalité entre ces faits (et en particulier, de créer des histoires chez l’Homme).
Et particulièrement chez l’Homme, grace ou à cause de la puissance de notre cerveau (comparée aux autres animaux), nous sommes capables de corréler des faits éloignés temporellement et géographiquement, et de tisser des liens de causalités entre ces faits éloignés. C’est le principe même des oeuvres de fiction ... des mythologies ... ou de la mythomanie.
Mais bien sur, corrélation n’étant pas forcément causalité, cette capacité peut nous mener à des déconvenues lors de nos prises de décisions dans la vie réelle.
Les chiffres parlent. Avec seulement 5 faits vérifiés, on peut avoir jusqu'à 120 histoires possibles. Alors imaginez, un phénomène composé de 10, 50 ... 100 faits (ou paramètres), on arrive à des nombres d'histoires à vérifier impossible (humainement).
Exemple avec 10 faits => 10! = 3 628 800 histoires possibles ! Or le problème des chercheurs de vérité dans le domaine des sciences sociales n'est pas tant le fact-checking, mais bien de trouver la véritable histoire.
Différence entre fact-checking et le story-checking
Un des meilleurs commerciaux se plaint à son manager qu’il a perdu un client parce que le concurrent direct à baisser son prix de façon radicale et que le client a signé avec le concurrent.
Ce commercial informe également que 2 commerciaux viennent de démissionner pour rejoindre ce concurrent parce que ce dernier performe mieux grâce à sa nouvelle politique de prix.
Ici, les faits :
- le commercial a perdu un client
- 2 commerciaux ont démissionné pour rejoindre le concurrent
- le conncurrent a initié une nouvelle politique de prix.
La story que raconte le commercial est que : "la perte du client et des commerciaux est due à la politique de prix du concurrent direct".
Fact-checking : effectivement le concurrent a baissé son prix et le DRH confirme que 2 commerciaux ont bien démissionné. Le manager appelle un autre de ses très bons commerciaux qui lui aussi lui confirme que le concurrent direct est très agressif.
La story “semble” faire sens, et le manager y “croit”.
En réalité, avant de se lancer dans une guerre des prix, le manager devrait faire du story-checking en plus du fact-checking !
Est-ce que la perte du client par le commercial était réellement due au prix trop élevé ? Ou bien est-ce que le concurrent propose autre chose ?
Est-ce que les 2 commerciaux sont partis à cause de la nouvelle politique prix du concurrent qui le rend plus performant ? Ou est-ce que le turn-over du secteur est élevé, d’ailleurs, l’entreprise a elle aussi embauché 3 commerciaux venant de concurrents !
Corrélation n’est pas Causalité ! Des faits mis en corrélation peuvent permettre de créer une histoire authentique mais fausse, histoire contée en toute bonne foi par les commerciaux (ils ne se rendent pas compte qu’ils interprètent de façon illogique ce qui leur arrive) !
Sauf que dans cet exemple, le nombre de faits à checker n'était que de 3 soit 3! = 6 histoires possibles max. Et le manager peut très bien s'en sortir et découvrir la vraie histoire. Mais dès que le nombre de faits (vérifiés) augmente, le story-checking devient impossible.
Et j'ai simplifié la typologie des histoires (corrélation/causalité) dans mon illustration de départ (en ne montrant qu'une série de causalités linéaires). Parce qu'on peut complexifier encore plus (mais je n'ai pas la formule mathématique pour prédire le nombre d'histoires !).
Le fact-checking c’est vérifier la véracité d'un fait, mais aussi s'assurer que ce fait est en corrélation avec un phénomène (la naissance d’un petit panda en Chine n’a rien avoir avec la perte du client par le commercial en France).
La vérification des faits et des liens de causalité a été historiquement la mission des institutions scientifiques d'animer l'intelligence collective de gens à haut QI, instruits et soumis à la méthode scientifique. Aujourd'hui, l'intelligence collective a été étandue à toute l'humanité via le web2 et le web3 (blockchain). Et bien sûr l'IA sera surement d'une grande aide s'il faut checker un nombre important de faits. L'IA pourra aussi aider au story-checking (là où est le véritable enjeux), vérifier les liens de causalité. Jetez un oeil à astrae par Ugo VOLLMER
Une illustration encore plus pertinentes (que la mienne) montrant les différents types de relations causales ; illustration que j'ai trouvé dans un article de génétique (lien) parlant des relations causales des faits impliqués dans le vieillissement.
Dr. Ari Massoudi: https://www.linkedin.com/in/arimassoudi/